Bamako, 16 août 2018 (AFP) – A 73 ans, le président sortant du Mali Ibrahim Boubacar Keïta, réélu pour un second mandat de cinq ans, selon des résultats officiels annoncé jeudi, s’est forgé une réputation d’homme à poigne.
Ce bon vivant a remporté 67,17% des suffrages face à l’opposant Soumaïla Cissé au second tour de la présidentielle, qui s’est tenu le 12 août.
De sa fréquentation de prestigieux établissements français dans sa jeunesse, ce natif de Koutiala (sud), près de la frontière burkinabè, aura gardé non seulement un phrasé châtié, mais aussi une conception toute jacobine du pouvoir.
“Il est pour un pouvoir fort, centralisé, c’est sûr”, déclare son ancien compagnon de route Boubacar Bah.
En cinq ans de mandat, cet homme décrit à la fois comme généreux, colérique et clivant, désigné par beaucoup de ses compatriotes comme “IBK”, ses initiales, aura usé cinq Premiers ministres.
Parmi ses 23 concurrents au premier tour de la présidentielle le 29 juillet, figuraient bon nombre de ses anciens ministres, ce qui dénote son caractère “difficile”, selon l’un d’eux, Mountaga Tall.
Ses détracteurs, qui lui reprochent son goût des voyages et des honneurs, l’accusent surtout de ne pas avoir démontré la même fermeté pour sortir le Mali de la crise, malgré sa victoire écrasante au second tour en 2013.
“Il a été élu avec 77,6% des suffrages exprimés, mais il n’a pas pu régler les problèmes essentiels du pays: le retour à la paix et la question de l’insécurité”, affirme Abdoulaye Cissé, un soutien de l’ancien Premier ministre et candidat au premier tour Modibo Sidibé.
L’intéressé balaye les critiques, qualifiées d’”IBK-bashing” et se dépeint comme un président qui “vit en symbiose avec son peuple, sait son peuple, travaille à faire avancer son peuple”, citant notamment l’accord de paix de mai-juin 2015 conclu avec l’ex-rébellion à dominante touareg, malgré les retards enregistrés dans son application.
“Je me sens en forme parfaite et je crois que cela a surpris. Beaucoup m’eussent souhaité dans le fond d’une chambre, reclus”, a-t-il dit fin juillet, au retour d’une tournée électorale auprès des diasporas maliennes de trois pays d’Afrique, en allusion aux rumeurs récurrentes sur son état de
santé.
– Ascension fulgurante –
Après des études littéraires dans son pays, au Sénégal et en France, Ibrahim Boubacar Keïta devient dans les années 1980 conseiller du Fonds européen de développement (FED), puis chef d’un projet de développement dans le nord du Mali.
Après avoir milité contre le général Moussa Traoré, renversé en mars 1991 par un coup d’Etat militaire, il connaît une ascension fulgurante sous Alpha Oumar Konaré, premier président (1992-2002) de l’ère démocratique du Mali.
Premier ministre de 1994 à 2000, M. Keïta, qui se réclame de la gauche, mate sans états d’âme une crise scolaire et des grèves qui paralysent le Mali, et ferraille contre l’opposition. De cette période, il gardera une image de fermeté qui fera son succès en 2013.
A la suite d’une brouille avec Alpha Oumar Konaré et le parti au pouvoir, il se présente à l’élection présidentielle de 2002 sous les couleurs de sa propre formation, le Rassemblement pour le Mali (RPM), mais n’arrive qu’en troisième position.
Amadou Toumani Touré, dit “ATT”, un militaire qui a pris sa retraite de l’armée, l’emporte au second tour et se fait réélire dès le premier tour en 2007, devant “IBK”.
En mars 2012, “ATT” est renversé par des militaires qui l’accusaient d’incurie face à la rébellion dans le nord du pays, un putsch qui précipite la déroute de l’armée et la prise de contrôle de cette région par des groupes jihadistes, alliés un temps aux rebelles avant de les supplanter.
A l’élection présidentielle de 2013, après l’intervention internationale lancée à l’initiative de la France contre les jihadistes, Ibrahim Boubacar Keïta, considéré comme un recours, tient sa revanche en accédant au palais de Koulouba, la résidence officielle et les bureaux des présidents maliens.
Il a promis, s’il obtenait un second mandat, de “consolider les acquis, amplifier les réussites et corriger les manques”,.
“Il ne faut jamais préempter une élection”, mais “nous pouvons y aller avec confiance et sérénité”, a-t-il affirmé à la veille du second tour. Le pari est gagné.
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