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Péril sur le fleuve Niger au Mali : À QUI LA FAUTE ?

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Des dragueurs en action dans le fleuve Niger Crédit image: Essor

L’eau est source est de vie. Elle est à l’échelle mondiale au cœur du développement économique, social et culturel. Grace à l’eau, nous gérons quotidiennement nos besoins vitaux: boire, cuisiner, se laver etc. Le fleuve Niger traverse plusieurs pays de l’Afrique de l’ouest (Sierra Leone, Guinée, Mali, Niger, Benin, Nigeria, mais son bassin est partagé par 9 pays dont le Cameroun, le Burkina Faso, la Côte d’ivoire et le Tchad en sus des pays précités). Il est, ainsi, la principale source d’approvisionnement en eau de plus de 100 millions de personnes. Sa grande contribution aux besoins alimentaires, par l’agriculture et la pêche des pays concernés, est inestimable.
L’unité naturelle de gestion de l’eau étant le bassin versant, le fleuve Niger a 30% de son bassin versant au Mali. Il sillonne le pays d’est en ouest sur 1.750 km. Le Niger traverse pas moins de 6 grandes villes du Mali : Bamako, Koulikoro, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. Son apport à l’économie malienne est de 101.008 tonnes de poissons produites annuellement et de 671.657.77 tonnes de production agricole, rien que dans l’Office du Niger. A cet égard, l’un des défis majeurs auxquels seront confrontés la population malienne et son gouvernement dans les périodes à venir, sera la problématique liée au fleuve Niger. Le constat est alarmiste mais pour qui voit loin, la prospective est claire : le fleuve Niger se meurt et finira par mourir si un changement brusque n’est opéré d’urgence.
Comme disait Abdourahmane Oumarou Touré, directeur général de l’ABFN (Agence du Bassin du fleuve Niger), le fleuve Niger ressemble davantage à un vaste égout collectif. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge. Tous montrent un niveau de dégradation sans précédent et très inquiétant du fleuve Niger surtout au niveau des agglomérations. L’augmentation des déchets anthropiques (rejet d’eaux usées, ruissellement de produits chimiques issus de l’agriculture mais aussi des industries extractives, les tanneries etc.) accentue la pression sur ce fleuve. De ce fait, la portion du fleuve dans la zone de Bamako est celle qui subit énormément. A cela il faut ajouter, le désintéressement des politiques et de la population vis à vis de la chose commune. Cette dernière sourde aux cris de détresse reste insoucieuse et ne soupçonne même pas moindrement le caractère “fini“ de l’eau. Oui, l’eau peut finir sur terre comme toute autre ressource et oui, le fleuve pourrait disparaitre!!!

PANORAMA DE
DÉSOLATION – Pour tout usager du pont Fadh (2ème pont) de Bamako, la vue par delà offre un panorama de désolation, preuve du mal qui, comme une gangrène, se répand sur le fleuve. Pour cet usager qui daignera s’enquérir de l’Etat de notre cher fleuve, il observera morose le pullulement de parcelles maraîchères dans les servitudes mais aussi l’imminence d’une couverture végétale totale d’une rive à l’autre. Or, le lien entre agriculture et végétation dans le fleuve est incontestable. La contrainte aujourd’hui est telle que des grandes sections couvertes par de la végétation sont donc déjà visibles. Elles grossiront et formeront tôt ou tard une digue naturelle à l’écoulement du fleuve. Les conséquences peuvent être la survenance de catastrophes naturelles comme: des inondations en amont pendant l’hivernage, des pénuries d’eau en aval pendant les périodes sèches.
Les baissements du niveau de l’eau et du débit d’écoulement dans le fleuve Niger ont déjà été mesurés. En somme, un fait hélas récurrent depuis certaines années et qui voit l’impact immédiat se manifester dans le nord du Mali à travers l’accentuation du stress hydrique et la détérioration de la qualité de vie. L’activité d’extraction du sable le long du fleuve contribue aussi fortement à la dégradation de l’habitat (la flore) des poissons.
Aujourd’hui, le Niger devient de moins en moins piscifère à cause de la pollution et de son exploitation qui ne favorisent plus la reproduction ou la survie des poissons. Ainsi les pêcheurs coutumiers ne peuvent plus vivre de la pêche. Mais, malheureusement, nous vivons dans une société où le problème lié à l’eau semble être le dernier des soucis. La situation dénote de la tragédie du bien commun. Personne ne s’élève contre les pratiques car le fleuve n’est à personne mais à tout le monde. L’information et la sensibilisation doivent être la base de toutes les initiatives en faveur du fleuve. On laissera les maraichers occuper les servitudes du fleuve jusqu’à un point de difficile retour où un déguerpissement de dernière minute sera toute aussi une tragédie qu’une solution.

STRUCTURES MAL FINANCÉES – En Afrique, la gestion des ressources en eau est déplorable. Bien que certaines structures aient été mises en place par les gouvernements successifs, le suivi des actions ou l’efficacité de leurs actions laisse songeur. Comme souvent ces structures sont mal financées et mal équipées, généralement ce ne sont que des offices ou service de figuration ou d’enrichissement. Dans le cas du Mali, quelques structures comme l’ABFN (Agence du Bassin du fleuve Niger) ou le PNSFN (Programme National de Sauvegarde du Fleuve Niger) se dédient pour la cause. Dans la sous région, l’ABN, qui regroupe 9 pays qui se partagent son bassin, se consacre aussi à la restauration. Mais dans tous les cas, les activités de restauration occupent plus de place que celles de la protection et de la sauvegarde.
Le constat est que les projets se concentrent surtout sur les très lucratifs grands travaux d’aménagement financés en grande partie par des ONG. On parle d’opération de faucardage ou pour désensabler le fleuve. Sauf que la prolifération des plantes ainsi que l’ensablement sont tous dus aux rejets de déchets dans le fleuve. Aujourd’hui encore, nous constatons la multiplication de parcelles maraîchères dans le lit du fleuve. C’est pourquoi, une bonne gestion nécessiterait, préalablement, un très grand effort d’information et de sensibilisation.
La gestion des ressources en eau nécessite l’adoption par l’Etat d’une politique de rigueur vis-à-vis des pollueurs. Elle doit se traduire par la mise en place d’une police des eaux qui veillera efficacement à l’identification des contrevenants et les épinglera sous le principe : «du pollueur payeur» et du «Préleveur-Payeur». Il faut donc un régime institutionnel cohérent et étendu. Les relectures de la Politique Nationale de l’Eau ainsi que du Code de l’Eau sont, selon Mme Cissé Youma Coulibaly, Chef de l’Unité de Gestion (UG-GIRE) à la DNH, en bonne voie et devraient apporter une correction à ce gap.
Ainsi, le principal défi concerne-t-il l’engagement des autorités à travers l’effectivité des instruments de loi. Il ne sert à rien de mettre en place des lois si leurs applicabilités ne sont pas garanties. Cependant, la problématique ainsi que la recherche de la solution pour le fleuve Niger ne saurait concerner uniquement l’Etat mais c’est une affaire de tout le monde. Des modes de gestion, «communes», comme la GIRE (Gestion Intégrée des Ressources en Eau) ont déjà fait leur preuve à travers le monde. Cependant, ce mode de gestion exige une forte implication et représentativité des tous les acteurs et une volonté sans faille du Gouvernement à aller vers une solution. Car, en ce qui concerne la gestion du fleuve, les enjeux économiques et environnementaux ne peuvent être résolus séparément. On ne peut continuer à exploiter et profiter du fleuve et ne pas se soucier de son état !
Au-delà de la présence physique de l’eau, si son caractère de boisson n’est point assuré, alors on ne peut se targuer d’avoir de l’eau. Compte tenu de tout cela, l’Unité de Gestion GIRE est appelée à bousculer davantage les différentes parties ou acteurs (surtout l’Etat) liés à la gestion de l’eau au Mali afin que des prémices de solutions émergent.

Souleymane SIDIBÉ
Chroniqueur/VIE : epddblog.wordpress.com

Source: Essor

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