Acceuil Histoire Supplément culture: Fort de Médine AUX ORIGINES DE LA PÉNÉTRATION COLONIALE FRANÇAISE

Supplément culture: Fort de Médine AUX ORIGINES DE LA PÉNÉTRATION COLONIALE FRANÇAISE

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Bandé Moussa SISSOKO AMAP-Kayes

L’imposante bâtisse figure parmi les vestiges de la colonisation française dans notre pays. Le bâtiment abritait les administrateurs coloniaux français qui ont fait de la ville un grand carrefour commercial et un point d’appui pour la conquête de notre territoire.

Médine est une localité située à 12 km de la ville de Kayes. Si vous dépassez l’embranchement où les lignes ferroviaires se croisaient, vous laissez la route de Bafoulabé à gauche pour emprunter une piste qui vous mènera directement à Médine. Le regard du visiteur est attiré d’entrée par un bâtiment jaune à la toiture en tuile. C’est l’ancienne Ecole des otages. Ibrahima Sissoko, le guide national du Fort, reçoit ici les visiteurs pour leur présenter le site. Juste derrière l’ancienne Ecole des otages, se situe une imposante maison à étage qui, du haut de la colline, surplombe la ville. C’est le Fort de Médine qui a contribué à renforcer la domination française sur le Haut Sénégal-Niger.
C’est le roi Djouga Sambala Diallo qui a donné son accord aux Français pour la construction du Fort sur une superficie de 5 ha 66 ca. Les travaux de construction ont duré du 15 septembre au 20 octobre 1855. Deux ans après, El Hadj Omar assiégea le Fort qui fut libéré par Louis Faidherbe. Le commerce a repris alors entre Médine et Saint-Louis pour ravitailler les compagnies françaises. Aujourd’hui, le joyau architectural est de plus en plus fréquenté par les visiteurs, notamment les touristes et les scolaires, depuis sa réhabilitation par l’Etat en 2006. La rentrée touristique qui s’est tenue dans cette ville l’année dernière a aussi donné de l’élan au Fort de Médine.

Le bâtiment principal du Fort était connu jadis sous le nom de «Mess des officiers». Les volets de l’imposante bâtisse sont en bois. Le visiteur est presque déçu en découvrant l’intérieur. Le Fort est presque vide. Pas de mobiliers, pas d’objets conservés, pas d’archives non plus. On a l’impression d’être en face d’une véritable coquille vide. Après le transfert de la capitale de Médine à Kayes, le Fort a presque été dépouillé de tout son contenu.
De longs couloirs sur lesquels donnent des portes closes, se terminent par des escaliers en bois qui relient d’abord le rez-de-chaussée à l’étage, puis le premier étage à la terrasse de la toiture. « Le style néo-soudanais et les dimensions n’ont pas changé. Quand je venais ici en 1993, le bâtiment était en ruines. Beaucoup de battants des portes et fenêtres avaient disparu. L’architecte qui a rénové le bâtiment en 1997 s’est basé sur des échantillons pour confectionner de nouveaux battants pour les portes et les fenêtres », a expliqué Ibrahim Sissoko.
Le bâtiment comprend quatre salles au rez-de-chaussée et quatre autres salles à l’étage. Les quatre côtés du bâtiment sont constitués de couloirs. Au rez-de-chaussée, le sol est fait de ciment et de pierres. Les plafonds sont en bois. A l’étage, le plancher des appartements est en bois et celui du toit est fait de tuile (petite brique rouge). Les balcons sont en fer.
Les deux blocs du rez-de-chaussée qui servaient de bureaux durant la colonisation française, sont séparés par un hall et au milieu, le visiteur peut emprunter un escalier en bois pour accéder à l’étage où les deux blocs (4 salles) servaient de résidence. Au rez-de-chaussée comme à l’étage, l’ensemble des blocs est entouré de quatre couloirs. L’intérieur du bâtiment est plongé dans l’obscurité, parce que les ampoules ne fonctionnent pas. Les ventilateurs non plus.
Le Fort donne une vue d’ensemble sur la ville de Médine et le fleuve Sénégal.
En plus du Fort, on peut découvrir d’autres vestiges de la colonisation comme les prisons pour les mulâtres et les indigènes, l’infirmerie, la cuisine, les cimetières royal et colonial, le marché des esclaves, les monuments aux morts, de vieux canons, la gare ferroviaire et un grand baobab vieux de 300 ans.

MÉDINE FUT FONDÉE PAR HAWA DEMBA DIALLO

D’après le guide, Ibrahima Sissoko, Hawa Demba Diallo est le fondateur de Médine. L’homme qui est à l’origine de la ville est venu de Koniakry. Son grand-père, Demba Séga Diallo, était à la fois chasseur et berger ». A l’époque, la zone était en proie à des razzias menées par des individus qui attaquaient les villages pour enlever personnes, bêtes et vivres. Lorsque Demba Séga Diallo voulut s’installer pour pratiquer l’élevage, le roi soninké Bidani Sy qui régnait sur la contrée l’informa que des razzias survenaient généralement la veille de la saison des pluies. Le roi Bidani Sy résidait à Marintoumania. Lorsque des assaillants attaquèrent Marintoumania, le chasseur Demba Séga Diallo prêta main forte aux défenseurs de la ville. Il se distingua au cours de cette bataille et réussit à repousser l’attaque. Surpris par la résistance, les assaillants repartirent bredouilles. Le village eut donc la paix.
En guise de récompense, le roi soninké accepta d’accueillir Demba Séga Diallo sur ses terres. Le roi lui proposa un site situé à 5 km de Marintoumania et où était déjà installée une captive du nom de Konia. Le roi s’adressa à Demba Séga Diallo en soninké : « Daga tago Konia kara » (Allez vous installer à côté de Konia). Selon le guide Ibrahim Sissoko, le village de Koniakari tirerait son nom de la déformation de l’expression soninké « Konia kara ».
Quand Demba Séga décéda, il fut remplacé par Diba Samballa, un de ses fils. Après la mort de ce dernier, Moussa Koy monta sur le trône de façon éphémère. En 1803, c’était le tour de Hawa Demba Diallo d’assurer la relève. Son accession à la chefferie suscita des remous au sein du clan familial. Aussi, à l’époque, Koniakary était menacée par les attaques des cousins de Séro, puis par celles des Bamanan Massassi du Kaarta. Devant cette situation tumultueuse, Hawa Demba Diallo préféra quitter Koniakari pour s’installer à Logo Sabouciré dont le roi était Makan Fatouma Sissoko. Un jour, de retour d’une partie de chasse, Hawa Demba Diallo découvrit le site de Médine, coincé entre les collines à l’ouest et le fleuve Sénégal à l’est.
Plus tard, précisément en 1828, Hawa Demba Diallo rencontrera un Français du nom de Ferdinand Duranton, qui faisait le commerce à l’aide d’un petit bateau. Selon Ibrahima Sissoko, Duranton qui était également un explorateur, voire un espion à la solde de la France, a ainsi remonté le fleuve pour venir à Médine. « Il fallait chercher un endroit pour jeter les bases de la pénétration coloniale française dans notre pays. Pour rassurer le roi de sa bonne foi, Duranton a pris sa fille Sadioba Diallo en mariage. Ces liens ont consolidé les rapports entre la France et le Royaume du Khasso », relate notre interlocuteur.
A cet épisode de la pénétration coloniale française, l’historienne Adame Ba Konaré consacre un livre intitulé : « Le griot m’a raconté… ». Elle revient dans ce livre sur les tribulations de cet aventurier français qui a contribué à ouvrir la voie à la colonisation de notre pays.
De l’union entre Duranton et Sadioba, il y a eu trois enfants (Philippe, Charles et Mary). Les deux garçons se sont mariés en France, tandis que la fille vécut et mourut à Médine. Sa tombe se trouve près du Fort.
Pour faciliter leur pénétration à l’intérieur des terres, les Français ont construit beaucoup de comptoirs commerciaux tout le long du fleuve Sénégal. Et le Fort a été construit en 1855 sous le règne de Diouka Samballa Diallo. Mais du fait de l’étroitesse du site de Médine, les colons étaient obligés de transférer la capitale à Kayes.
D’après le conservateur du Fort, Médine s’est agrandie dans les limites des vœux de Hawa Demba Diallo. Ce dernier a sollicité le concours d’un grand marabout mauritanien qui lui aurait dit de lui apporter quatre cailloux afin qu’il en fasse des amulettes dans le but de rendre Médine plus prospère. Une fois ces amulettes prêtes, Hawa Demba Diallo devait les enterrer une à une aux différents points cardinaux autour de Médine. Et la ville devait s’étendre jusqu’au niveau de ces cailloux. Mais le roi du Khasso n’a pas vu grand au moment d’enterrer ses amulettes. Voilà pourquoi Médine n’est pas devenue une grande ville. C’est le marabout mauritanien qui aurait suggéré à Hawa Demba Diallo de baptiser sa ville Médine en référence à Médine d’Arabie Saoudite. Si Médine d’Arabie Saoudite a joué un grand rôle dans l’affirmation et l’expansion de l’islam en accueillant le Prophète Mohamed (PSL) dans son Hégire, Médine de Hawa Demba Diallo a contribué à la pénétration coloniale française sur les terres d’Afrique occidentale française. La ville était devenue un carrefour commercial important et un point d’appui militaire pour la conquête coloniale.

B. M. S.
AMAP-Kayes

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