Attendue depuis longtemps par les populations de la région de Kayes, la Tomodensitométrie(TDM) appelée scanner, est enfin disponible dans la 1 ère région administrative du Mali depuis le 13 mai 2019, date à laquelle les examens liés au scanner ont démarré officiellement à la direction régionale de l’Institut National de Prévoyance Sociale(INPS) de Kayes. Cet appareil marque une révolution dans le domaine médical. D’après nos sources, ce scanner qui est doté de 64 barrettes, est considéré comme le plus performant du Mali avec 64 barrettes, c’est-à-dire deux fois performant que ceux de la capitale. L’acquisition de cette machine a été possible grâce à la Direction Générale de l’INPS qui a mis la main à la poche pour satisfaire à un besoin crucial urgent de sa direction régionale de Kayes. Elle va permettre de réduire d’environ 80 à 90% le coût d’une évacuation nécessitant l’usage d’un scanner à Bamako. Pour en savoir un peu plus sur cet appareil, son utilité et ses apports à la population, nous avons rencontré Docteur Mamadou Diallo, Médecin chef du centre médical inter-entreprises de l’INPS de Kayes
Le kayesien : Docteur merci d’avoir accepté de nous recevoir pour cet entretien sur l’acquisition du scanner par votre structure. Pouvez-vous nous expliquer, c’est quoi le scanner ?
Dr Mamadou Diallo: Merci, le scanner, appelé la Tomodensitométrie dans le jargon médical, permet de procéder à un examen d’imagerie qui donne des coupes. Cet examen se fait à base de raillons X et qui permet de prendre plusieurs images de façon dynamique d’un organe, d’une partie du corps suivant l’examen demandé par le prescripteur.
Quelle est la différence entre, un scanner et une radio standard ?
La différence entre le scanner et la radio, c’est que la radio donne une image fixe, tandis que le scanner donne des images de plusieurs tranches avec la possibilité de reconstruction en trois dimensions qu’on appelle les 3D.C’est juste dire que la Tomodensitométrie est un appareil révolutionnaire dans le domaine médical.
Nous entendons fréquemment dire que le scanner est beaucoup sollicité dans les cas d’accident, est-ce vrai, ou joue-t-il une multiple fonction ?
Oui le scanner est sollicité dans beaucoup de cas, sinon dans presque tous les cas de maladies, quels que soient les accidents. Par exemple, en cas d’accident, il peut y avoir une fracture qui peut ne pas être vue au niveau d’une radiographie standard, car le trait est fin, c’est pourquoi la fracture est un peu cachée. Mais il faut retenir que le scanner permet de
faire des coupes très fines, ce qui permet de visualiser ces traits de fracture. Au cours d’un accident, il y peut également y avoir un choc au niveau du cerveau si le choc se passe au niveau de la tête. Ce choc peut entraîner, une hémorragie à l’intérieur du cerveau ou créer un traumatisme appelé l’oedème cérébral. Donc,le scanner permet de voir l’hémorragie cérébrale, idem pour l’oedème cérébral, ce que ne peut pas faire la radio standard, ça c’est au niveau de la tête. C’est pareil au niveau des autres parties du corps (dos, bras, ventre etc.), c’est dire que le scanner se fait au niveau de toutes les parties du corps.
Longtemps attendu pas les populations, le scanner est à Kayes grâce à l’INPS, quel est donc son utilité pour le corps médical ?
Merci pour la question ! Le scanner est appelé un examen d’aide au diagnostic. Or, c’est le médecin qui pose le diagnostic, donc cet appareil aide d’abord le médecin avant d’être profitable aux populations. Il aide le médecin à poser le diagnostic avec précision, d’où son utilité pour le corps médical.
Et la population ?
Dr Mamadou Diallo : Pour la population, comme on le dit, une fois que le bon diagnostic est
posé, le traitement est facile. Mais lorsqu’on ne connait pas la cause de la maladie, même si on a des bons médicaments et des bons médecins, on ne peut pas traiter correctement le patient. Le plus gros avantage pour la population, c’est que ça va améliorer la qualité de la prise en charge des malades, parce qu’il posera avec précision le diagnostic.
Avant l’arrivée du scanner à Kayes, beaucoup de malades étaient évacués sur Bamako, la capitale, faute de cet appareil. Quelle sera donc la touche du scanner à Kayes ?
Beaucoup de choses vont désormais changer avec le scanner à Kayes. D’abord, il va permettre de réduire considérablement le nombre d’évacuation de malades de Kayes vers Bamako, parce que tous les malades ne sont pas évacués sur Bamako, non pas parce que les médecins de Kayes ne peuvent pas assurer la prise en charge. Dieu merci, nous avons aujourd’hui à Kayes, beaucoup de spécialistes notamment à l’hôpital régional de Kayes, mais faute de scanner, ils étaient obligés d’évacuer un certain nombre de patients sur Bamako. Et s’agissant des populations elles mêmes, celles-ci vont constater une baisse de coût pour la prise en charge des patients. Pour faire une évacuation, il faut une ambulance médicalisée qui nécessite des dépenses, car ce n’est pas n’importe quel véhicule. Donc le coût du transport, l’accompagnement et ce qu’on appelle les coûts d’opportunités des personnes ou la personne qui va accompagner le patient, si c’est une seule personne, celle-ci est obligée d’arrêter son travail pour accompagner le malade à Bamako. Donc, cette situation entraîne une perte de gains surtout pour celui qui travaille dans le privé car il n’aura pas d’argent tant qu’il ne travaille pas, et tous les jours passés à côté du malade à Bamako sont des pertes de temps et d’argent pour lui. Or, si on arrive à faire le scanner sur place à Kayes, ces personnes pourront restées et continuer à exercer correctement leur travail. Il permet également au praticien de faire avec précision le diagnostic et de proposer le traitement approprié.
Est-ce à dire qu’avec l’arrivée du scanner à Kayes, on peut s’attendre à la fin des évacuations sur Bamako ?
Non, la disponibilité du scanner à Kayes ne pourrait pas mettre fin à l’évacuation de certains cas de Kayes vers Bamako, parce qu’à Kayes, nous n’avons pas tous les spécialistes, notamment certaines spécialités qui n’existent pas encore à l’hôpital de Kayes, mais à Bamako. S’il y a des malades dont le traitement nécessite ces spécialités-là, forcement il faut les évacuer même si nous posons le bon diagnostic, le plateau technique n’existe pas. Mais nous gagnerons en temps parce qu’une fois à Bamako, le diagnostic étant déjà posé, on ne perdra plus de temps à la recherche d’un diagnostic, ce qui est un avantage même si le malade venait d’être évacué , on gagne en temps, or qui gagne en temps dans la prise en charge d’un malade, gagne en qualité de vie : plus on met du temps pour prendre en charge un malade grave, plus le pronostic vital est engagé. Juste pour vous dire que ça permet d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients mêmes si ceux-ci venaient à être évacués sur Bamako, faute de plateau technique au niveau de Kayes.
Depuis le démarrage de vos activités de scanner, est ce que vous rencontrez des difficultés avec les patients ?
Des difficultés avec des patients, pour le moment non. Peut être la première difficulté qui pourrait être liée au scanner est le coût. Or au niveau du centre médical inter-entreprises de l’INPS de Kayes, nous avons appliqué un tarif qu’on pourrait appeler un coût abordable et social, parce que nos coûts sont inférieurs à ceux de Bamako, c’est-à-dire, nous appliquons un coût plus bas que dans les hôpitaux publics de Bamako. Malgré que nous appliquons des barèmes les plus bas, nous avons l’appareil le plus performant au Mali avec 64 barrettes, or l’appareil le plus performant à Bamako est de 32 barrettes, c’est-à-dire deux fois plus puissant que l’appareil le plus performant de Bamako. L’objectif est de faciliter l’accessibilité de cet appareil à tous les patients (riches ou pauvres). L’INPS a fait
vraiment des efforts, et c’est le lieu ici pour moi de remercier la Direction Générale de l’INPS d’avoir doté le centre médical de l’INPS de Kayes de cet appareil au profit des populations de Kayes.
Comment est-ce que le scanner a été accueilli par les populations de Kayes depuis son installation ?
L’arrivée de cet appareil au niveau de mon service a d’abord suscité un véritable engouement au niveau des autorités régionales en commençant par le Gouverneur de région, les autorités sanitaires à travers le Directeur régional de la santé, le Directeur de l’hôpital, tous les collègues médecin, la population. Et même les médias de la ville, qui n’ont cessé de venir de jours comme de nuits pour s’enquérir des réalités de la chose, sans compter le reste de la population qui ne croyait pas encore à l’arrivé du scanner au niveau de l’INPS. Donc le fait de voir ces aller- retours durant deux semaines m’ont satisfait moralement de l’acquisition de cet appareil là avec une adhésion des populations. C’est le lieu pour moi de remercier au nom de l’INPS M. le Gouverneur de la région de Kayes pour son accompagnement et sa disponibilité à faire en sorte que cet appareil soit là pour toute la population de Kayes. Il faut également remercier les autorités coutumières et religieuses qui n’ont pas manqué de faire des bénédictions dans les mosquées pour l’arrivée de cet appareil à l’INPS de Kayes. Cela prouve combien, les populations de Kayes ont accueilli avec beaucoup de satisfaction l’arrivée du scanner, donc c’est un motif de satisfaction pour nous.
Que peut-on retenir du scanner de l’INPS, fonctionne-t-il normalement ?
Ce qu’il faut retenir c’est que l’appareil fonctionne normalement. Nous avons concrètement
démarré le 13 mai 2019 après la phase de formation. De cette date à aujourd’hui, le scanner fonctionne merveilleusement et nous n’avons pas connu de difficulté de maniabilité pour le moment. Nous travaillons avec les radiologues de l’hôpital de Kayes qui nous aident surtout dans l’interprétation des images, car nous n’avons pas les compétences par rapport à l’interprétation. Nous pouvons réaliser l’examen parce que nous avons été formés pour ça, mais l’interprétation est du ressort du médecin radiologue. Pendant la journée, nous réalisons tous les examens de scanner qui nous sont adressés et dans l’après-midi, le radiologue vient pour interpréter les images stocker au niveau d’un ordinateur pour mettre les résultats à la disposition et des malades et des prescripteurs. Nous pouvons dire que cet appareil rend d’énormes services à beaucoup de malades. A titre d’exemple, nous avons reçu un cas de traumatisme crânien qui est un cas parmi tant d’autres chez qui le médecin pensait à une hémorragie cérébrale. Suite à l’examen du scanner, nous avons trouvé qu’il n’y avait pas une hémorragie cérébrale, mais plutôt un oedème cérébral. Or le traitement n’est pas le même, les manières de traitement des deux cas que j’ai évoqué ci-haut, diffèrent. Donc s’il n’y avait pas de scanner et que l’état du malade ne permettait pas son évacuation sur Bamako, le médecin allait traiter par tâtonnement pour une hémorragie cérébrale, et puisque le traitement n’était pas approprié, certainement, cela pouvait précipiter le décès même du patient. Le fait que le scanner a pu poser correctement le diagnostic et le traitement adapté appliqué, aujourd’hui ce malade est sur pied, ce qui est vraiment une grosse satisfaction et un témoignage que je voulais faire parmi tant d’autres.
Parlant de pourcentage en termes de réduction des évacuations, à combien se chiffrent, les statistiques des coûts de réduction?
D’abord, en prenant le coût d’évacuation, le transport est plus cher que le coût de réalisation du scanner, idem pour le séjour du malade à Bamako qui est encore plus coûteux que la réalisation du scanner. Donc, le coût du scanner même représente peut être 10% du coût global. Nous pouvons dire que l’arrivée de ce scanner a amené une réduction d’environ 80 à 90% du coût d’une évacuation pour un scanner à Bamako.
Merci Docteur Diallo pour ces éclairages et précisions sur le scanner de votre centre de
santé.
C’est moi qui vous remercie pour votre initiative qui consiste à informer les populations.
Entretien réalisé par Michel Yao