Dans la région de Kayes, les réseaux sociaux sont des moyens essentiels de communication pour les populations, surtout celles du milieu rural. Cependant, les informations qui circulent sur certains groupes privés sont inquiétantes et peuvent menacer la cohésion sociale.
Les applications comme WhatsApp, Facebook, TikTok, sont les plus prisées. Elles sont utilisées par toutes les classes d’âge, mais enregistrent une forte popularité chez les jeunes, grâce aux smartphones. Certains peuvent rester accolés à leurs appareils pendant plusieurs heures durant la journée, scrutant sans cesse l’écran du téléphone selon les besoins.
Forfait data, wifi gratuit : ces jeunes filles et garçons s’aliènent les moyens pour accéder à ces abstractions. Mais, derrière ces contractions de connexion quotidienne, c’est la circulation de toute sorte de chahut.
Bien que ces applications facilitent la communication et l’information sur l’actualité (locale, régionale, nationale et internationale), elles sont également des interstices ou naissent les fausses informations, notamment dans les congrégations privées WhatsApp, Telegram et bien de dissemblables.
Des tintamarres qui gondolent les esprits
Dans certaines ligues, la pullulation de fausses informations et des discours de haine sont courants et leurs auteurs se soucient peu de leurs conséquences sur la vie du pays. En effet, celles-ci peuvent compromettre la paix et la cohésion sociale dans une région où les questions sécuritaires préoccupent plus d’un.
Ces bruits erronés circulent, au moindre incident, dès qu’une situation se crée, comme lors de l’attaque terroriste qui a visé la ville de Kayes le 1 juillet 2025 et d’autres localités de la région.
Peu de temps après cette attaque, un vocal a circulé sur certains groupes WhatsApp et d’autres canaux. Dans ce vocal, l’inventeur de cette information inexacte, a fait croire à un supposé « enlèvement du gouverneur lors de l’attaque contre sa résidence », une manipulation qui a été très vite démentie.
« Ce qui est frappant dans cette affabulation, c’est le contexte et le moment choisi par le concepteur. L’objectif, derrière ce fracas, était d’enfoncer la peur, le doute, la névrose/nervosité et la suspicion vis à vis des canaux officiels. On a parfois vu sur les réseaux sociaux des commentaires déplacés de personnes qui ne vivent même pas à Kayes et qui s’adonnaient à des narratifs susceptibles d’engendrer la stigmatisation et des discours de haine », fustige Aboubacar Tambadou, l’un des jeunes bénéficiaires d’une initiative de lutte et de sensibilisation contre la désinformation et les discours de haine dans la cité des rails.
Manque de moyens humains et financiers
Dans ce contexte propice à la manipulation, le gouvernorat de Kayes est sorti de son mutisme, en faisant un communiqué dans lequel il a appelé les populations à ne se fier qu’aux informations provenant de sources officielles.
Après ce chapitre clos, une autre fausse information a été propagée ces derniers jours sur un prétendu aménagement de l’horaire du couvre-feu, jusque-là fixé de 21h à 6h du matin. Elle faisait admettre que le couvre-feu a été fixé de «22h à 6h du matin ». Ces rumeurs ont été vite démenties par des acteurs de la presse et des influenceurs actifs sur les réseaux sociaux.
Ne disposant de formation adéquate dans le domaine de la communication et du journalisme, la gestion aux questions relatives à la désinformation, ainsi qu’aux discours de haine, constituent, actuellement, de gros défis à relever dans un contexte où certains médias traditionnels peinent à mettre en place au sein de leur rédaction, un espace dédié à la vérification, faute de moyens humains et financiers.
Des discours haineux banalisés
Comme la désinformation, les discours de haine propagés sur les réseaux sociaux et hors ligne doivent être combattus pour éviter l’amalgame et la stigmatisation dans certains milieux souvent pointés du doigt à tort et à travers par les propagateurs.
« De plus en plus, on voit des messages circuler, lesquels peuvent opposer des communautés, en les accusant de tous les maux et tares de la société », déplore Aliou Diallo, responsable chargé de #BenbereVerif, un espace de vérification mis en place par la plate-forme Benbere. « Ces discours, poursuit-il, même s’ils ne sont pas toujours pris au sérieux, finissent par influencer les mentalités ».
Un impact direct sur la cohésion sociale
La conséquence de cette dérive est claire. Il s’agit pour les auteurs de briser la confiance entre les communautés ou les institutions, une méthode bien connue chez les groupes armés qui n’hésitent pas à s’en servir pour grossir leur rang. Ces dérives peuvent inciter des familles ou des communautés à ne participer à des événements intracommunautaires.
« Et souvent, les autorités ont du mal à apaiser les tensions, comme lors des crises liées à l’esclavage par ascendance qui ont éclaté en 2018. La cohésion sociale est comme du tissu, une fois déchiré, il est difficile à recoudre », fait observer un chef coutumier.
Des initiatives pour contrer le phénomène
Face à cette menace sur la paix et la cohésion sociale, des initiatives émergent. Des jeunes mettent en œuvre des activités pour contrer la désinformation et les discours de haine. Ils forment et sensibilisent d’autres camarades sur les conséquences qui peuvent en découler de ces problématiques qui prennent chaque jour des proportions inquiétantes.
L’objectif est de pousser leurs communautés à développer un esprit critique en procédant à la vérification de toute information avant de la partager, grâce aux outils mis à leur disposition. Les leaders communautaires et religieux sont également sensibilisés afin qu’ils s’impliquent et promeuvent le vivre-ensemble.
« Il faut éduquer, sensibiliser, dialoguer et surtout créer des espaces de rencontre entre les communautés pour aborder ces sujets », plaide Mme Macalou Seck N’Diaye, conseillère au Conseil municipal de la commune urbaine de Kayes.
Un défi collectif
Mais les efforts restent dispersés et insuffisants face à la profusion croissante de ce fléau. Pour de nombreux acteurs, il impératif que les autorités locales, les médias, les écoles et les plates-formes numériques travaillent main dans la main pour contenir la désinformation et les discours de haine. « Ce n’est pas seulement un problème de communication, c’est un enjeu de paix et de développement », conclut Mme Macalou.
Face à ce combat qui s’annonce très rude à cause du mode d’emploi de ses initiateurs et les moyens qu’ils se donnent pour parvenir à leurs fins, les initiatives d’éducation aux médias doivent se multiplier. Aussi, les opérateurs de téléphonie mobile opérant au Mali doivent être impliqués afin qu’ils développent ensemble un système d’alerte dès qu’une fausse information ou un discours discriminatoire commence à circuler.
Il faut aussi organiser régulièrement des foras dans les quartiers pour contrer les fausses informations et les discours de haine hors ligne, une bombe à retardement à désamorcer.